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LIVRE XV, CHAP. II.


par les soldats, et après la chaleur de l’action, sont rejetés de toutes les nations [1] du monde.

2° Il n’est pas vrai qu’un homme libre puisse se vendre. La vente suppose un prix : l’esclave se vendant, tous ses biens entreroient dans la propriété du maître ; le maître ne donneroit donc rien, et l’esclave ne recevroit rien. Il auroit un pécule, dira-t-on ; mais le pécule est accessoire à la personne. S’il n’est pas permis de se tuer, parce qu’on se dérobe à sa patrie, il n’est pas plus permis de se vendre. La liberté de chaque citoyen est une partie de la liberté publique. Cette qualité, dans l’État populaire, est même une partie de la souveraineté. Vendre sa qualité de citoyen est un [2] acte d’une telle extravagance, qu’on ne peut pas la supposer dans un homme. Si la liberté a un prix pour celui qui l’achète, elle est sans prix pour celui qui la vend. La loi civile, qui a permis aux hommes le partage des biens, n’a pu mettre au nombre des biens une partie des hommes qui dévoient faire ce partage. La loi civile, qui restitue sur les contrats qui contiennent quelque lésion, ne peut s’empêcher de restituer contre un accord qui contient la lésion la plus énorme de toutes [3].

La troisième manière, c’est la naissance. Celle-ci tombe avec les deux autres. Car, si un homme n’a pu se vendre, encore moins a-t-il pu vendre son fils qui n’étoit pas né. Si un prisonnier de guerre ne peut être réduit en servitude, encore moins ses enfants.

Ce qui fait que la mort d’un criminel est une chose

  1. Si l’on ne veut citer celles qui mangent leurs prisonniers. (M.)
  2. Je parle de l'esclavage pris à la rigueur, tel qu'il étoit chez les Romains, et qu'il est étabi dans nos colonies. (M.)
  3. Voyez la lettre de Montesquieu à Grosley.