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LIVRE XIV, CHAP. XIV.


lateurs s’échauffa de même ; la loi soupçonna tout pour un peuple qui pouvoit tout soupçonner.

Ces lois eurent donc une extrême attention sur les deux sexes. Mais il semble que, dans les punitions qu’elles firent, elles songèrent plus à flatter la vengeance particulière qu’à exercer la vengeance publique. Ainsi, dans la plupart des cas, elles réduisoient les deux coupables dans la servitude des parents ou du mari offensé. Une femme [1] ingénue, qui s’étoit livrée à un homme marié, étoit remise dans la puissance de sa femme, pour en disposer à sa volonté. Elles obligeoient les esclaves [2] de lier et de présenter au mari sa femme qu’ils surprenoient en adultère ; elles permettoient à ses enfants [3] de l'accuser, et de mettre à la question ses esclaves pour la convaincre. Aussi furent-elles plus propres à raffiner à l’excès un certain point d’honneur qu’à former une bonne police. Et il ne faut pas être étonné si le comte Julien crut qu’un outrage de cette espèce demandoit la perte de sa patrie et de son roi. On ne doit pas être surpris si les Maures, avec une telle conformité de mœurs, trouvèrent tant de facilité à s’établir en Espagne, à s’y maintenir et à retarder la chute de leur empire.

  1. Loi des Wisigotbs, liv. III, tit. IV, § 9. (M.)
  2. Ibid., liv. III, tit. IV, § 6. (M.) Inf., XXVI, XIX.
  3. Ibid., liv. III, tit. IV, § 13. (M.)
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