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LIVRE XIV, CHAP. XIII.


ment des maux, si vif, qu’il ne s’affoiblit pas même par l’habitude de les souffrir.

Ce caractère, dans une nation libre, seroit très-propre à déconcerter les projets de la tyrannie [1] , qui est toujours lente et foible dans ses commencements, comme elle est prompte et vive dans sa fin ; qui ne montre d’abord qu’une main pour secourir, et opprime ensuite avec une infinité de bras.

La servitude commence toujours par le sommeil. Mais un peuple qui n’a de repos dans aucune situation, qui se tâte sans cesse, et trouve tous les endroits douloureux, ne pourroit guère s’endormir.

La politique est une lime sourde, qui use et qui parvient lentement à sa fin. Or les hommes dont nous venons de parler ne pourroient soutenir les lenteurs, les détails, le sang-froid des négociations ; ils y réussiroient souvent moins que toute autre nation ; et ils perdroient, par leurs traités, ce qu’ils auroient obtenu par leurs armes [2].

  1. Je prends ici ce mot pour le dessein de renverser le pouvoir établi, et surtout la démocratie. C'est la signification que lui donnoient les Grecs et les Romains. (M.)
  2. C'était au dernier siècle la prétention des Anglais que, dans les négociations et les traités, ils étaient toujours dupes de leur simplicité. Ils se sont corrigée de cette faiblesse, si elle a jamais existé.
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