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LIVRE XIV, CHAP. X.


une loi du climat ; effectivement le climat de ces deux pays est à peu près le même.

Une pareille loi ne seroit pas bonne dans les pays froids, où le climat semble forcer à une certaine ivrognerie de nation, bien différente de celle de la personne. L’ivrognerie se trouve établie par toute la terre, dans la proportion de la froideur et de l’humidité du climat. Passez de l'équateur jusqu’à notre pôle, vous y verrez l’ivrognerie augmenter avec les degrés de latitude. Passez du même équateur au pôle opposé, vous y trouverez l’ivrognerie aller vers le midi [1], comme de ce côté-ci elle avoit été vers le nord.

Il est naturel que, là où le vin est contraire au climat, et par conséquent à la santé, l’excès en soit plus sévèrement puni que dans les pays où l’ivrognerie a peu de mauvais effets pour la personne, où elle en a peu pour la société, où elle ne rend point les hommes furieux, mais seulement stupides. Ainsi les lois [2] qui ont puni un homme ivre, et pour la faute qu’il faisoit, et pour l’ivresse, n’étoient applicables qu’à l’ivrognerie de la personne, et non à l’ivrognerie de la nation. Un Allemand boit par coutume, un Espagnol par choix.

Dans les pays chauds, le relâchement des fibres produit une grande transpiration des liquides ; mais les parties solides se dissipent moins. Les fibres, qui n’ont qu’une action très-foible et peu de ressort, ne s’usent guère ; il faut peu de suc nourricier pour les réparer : on y mange donc très-peu [3].

  1. Cela se voit dans les Hottentots et les peuples de la pointe du Chili, qui sont plus près du sud. (M.)
  2. Comme fit Pittacus, selon Aristote, Politique, liv. II, chap. III. Il vivoit dans un climat où l'ivrognerie n'est pas un vice de nation. (M.)
  3. Dans les pays chauds, la sobriété n’est qu'un effet du climat. Comme