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CHAPITRE X.


DES LOIS QUI ONT RAPPORT À LA SOBRIÉTÉ
DES PEUPLES.


Dans les pays chauds, la partie aqueuse du sang se dissipe beaucoup par la transpiration [1] ; il y faut donc substituer un liquide pareil. L'eau y est d’un usage admirable : les liqueurs fortes y coaguleroient les globules [2] du sang qui restent après la dissipation de la partie aqueuse.

Dans les pays froids, la partie aqueuse du sang s’exhale peu par la transpiration ; elle reste en grande abondance. On y peut donc user des liqueurs spiritueuses, sans que le sang se coagule. On y est plein d’humeurs ; les liqueurs fortes, qui donnent du mouvement au sang, y peuvent être convenables.

La loi de Mahomet, qui défend de boire du vin, est donc une loi du climat d’Arabie ; aussi avant Mahomet, l’eau étoit-elle la boisson commune des Arabes. La loi [3] qui défendoit aux Carthaginois de boire du vin, étoit aussi

  1. M. Bernier, faisant un voyage de Labor à Cachemir, écrivoit : « Mon corps est un crible : à peine ai-je avalé une pinte d’eau, que je la vois sortir comme une rosée de tous mes membres jusqu'au bout des doigts ; j'en bois dix pintes par jour, et cela ne me fait point de mal. » Voyage de Bernier, t. II, p. 261. (M.)
  2. Il y a dans le sang des globules rouges, des parties fibreuses, des globules blancs, et de l'eau dans laquelle nage tout cela. (M.)
  3. Platon, liv. II des Lois, Aristote, du soin des affaires domestiques, liv. I, c. v. Eusèbe, Prép. évang., liv. XII, chap. XVII. (M.)