Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/170

Cette page n’a pas encore été corrigée


CHAPITRE V.


QUE LES MAUVAIS LÉGISLATEURS
SONT CEUX QUI ONT FAVORISE LES VICES DU CLIMAT
ET LES BONS SONT CEUX QUI S'Y SONT OPPOSÉS.


Les Indiens croient que le repos et le néant sont le fondement de toutes choses et la fin où elles aboutissent. Ils regardent donc l’entière inaction comme l'état le plus parfait et l'objet de leurs désirs. Ils donnent au souverain être [1] le surnom d’immobile. Les Siamois croient que la félicité [2] suprême consiste à n’être point obligé d’animer une machine et de faire agir un corps.

Dans ces pays, où la chaleur excessive énerve et accable, le repos est si délicieux et le mouvement si pénible, que ce système de métaphysique paroît naturel ; et Foë, [3] législateur des Indes, a suivi ce qu’il sentoit, lorsqu’il a mis les hommes dans un état extrêmement passif ; mais sa doctrine, née de la paresse du climat, la favorisant à son tour, a causé mille maux.

  1. Panamanack. Voyez Kircher. (M.)
  2. La Loubère, Relation de Siam, p. 446. (M.)
  3. Foë veut réduire le cœur au pur vuide. « Nous avons des yeux et des oreilles ; mais la perfection est de ne voir ni entendre ; une bouche, des mains, etc., la perfection est que ces membres soient dans l'inaction. » Ceci est tiré du dialogue d'un philosophe chinois, rapporté par le P. du Halde, t. III. (M.) C'est le fonds même de la religion bouddhique. On sait que Fo est le nom chinois de Sakya-Mouni, le Bouddha.