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CHAPITRE III.


CONTRADICTION DANS LES CARACTÈRES DE CERTAINS
PEUPLES DU MIDI.


Les Indiens [1] sont naturellement sans courage ; les enfants [2] même des Européens nés aux Indes perdent celui de leur climat. Mais comment accorder cela avec leurs actions atroces, leurs coutumes, leurs pénitences barbares ? Les hommes s’y soumettent à des maux incroyables, les femmes s’y brûlent elles-mêmes : voilà bien de la force pour tant de foiblesse.

La nature, qui a donné à ces peuples une foiblesse qui les rend timides, leur a donné aussi une imagination si vive que tout les frappe à l'excès. Cette même délicatesse d’organes qui leur fait craindre la mort, sert aussi à leur faire redouter mille choses plus que la mort. C’est la même sensibilité qui leur fait fuir tous les périls, et les leur fait tous braver.

Comme une bonne éducation est plus nécessaire aux enfants qu’à ceux dont l’esprit est dans sa maturité, de même les peuples de ces climats ont plus besoin d’un

  1. « Cent soldats d'Europe, dit Tavernier, n'auroient pas grand’peine à battre mille soldats indiens. » (M.)
  2. Les Persans même qui s'établissent aux Indes, prennent, à la troisième génération, la nonchalance et la lâcheté indienne. Voyez Bernier, Sur le Mogol, t. I, p. 282. (M.)