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CHAPITRE XX.


DES TRAITANTS.


Tout est perdu lorsque la profession lucrative des traitants parvient encore par ses richesses à être une profession honorée. Cela peut être bon dans les États despotiques, où souvent leur emploi est une partie des fonctions des gouverneurs eux-mêmes. Cela n’est pas bon dans la république ; et une chose pareille détruisit la république romaine. Cela n’est pas meilleur dans la monarchie ; rien n’est plus contraire à l’esprit de ce gouvernement. Un dégoût saisit tous les autres états ; l’honneur y perd toute sa considération, les moyens lents et naturels de se distinguer ne touchent plus, et le gouvernement est frappé dans son principe.

On vit bien, dans les temps passés, des fortunes scandaleuses ; c’étoit une des calamités des guerres de cinquante ans : mais pour lors, ces richesses furent regardées comme ridicules, et nous les admirons [1].

  1. Ces réflexions ne furent pas du goût des traitants. Ils s’en plaignirent à l'apparition de l'Esprit des lois. On en peut juger par ce passage d’une lettre écrite en 1749 par Montesquieu à son ami le chevalier d’Aydies :

    « Mon cher chevalier, pourquoi les gens d’affaires se croient-ils attaqués ? J'ai dit que les chevaliers, à Rome, qui faisoient beaucoup mieux leurs affaires que vous autres chevaliers ne faites ici les vôtres, avoient