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LIVRE XIII, CHAP. XIX.


il n’est pas législateur, mais il le force à donner des lois.

J’avoue qu’il est quelquefois utile de commencer par donner à ferme un droit nouvellement établi. Il y a un art et des inventions pour prévenir les fraudes, que l’intérêt des fermiers leur suggère, et que les régisseurs n’auroient su imaginer : or, le système de la levée étant une fois fait par le fermier, on peut avec succès établir la régie. En Angleterre, l’administration de l’accise et du revenu des postes, telle qu’elle est aujourd’hui, a été empruntée des fermiers [1].

Dans les républiques, les revenus de l’État sont presque toujours en régie. L’établissement contraire fut un grand vice du gouvernement de Rome [2]. Dans les États despotiques, où la régie est établie, les peuples sont infiniment plus heureux ; témoin la Perse et la Chine [3]. Les plus malheureux sont ceux où le prince donne à ferme ses ports de mer et ses villes de commerce. L’histoire des monarchies est pleine des maux faits par les traitants.

Néron, indigné des vexations des publicains, forma le projet impossible et magnanime d’abolir tous les impôts [4]. Il n’imagina point la régie : il fit quatre ordonnances : que les lois faites contre les publicains, qui avoient été jusques-là tenues secrètes, seroient publiées ; qu’ils ne pourroient plus exiger ce qu’ils avoient négligé de demander

  1. A. B. N'ont point ce paragraphe.
  2. César fut obligé d’ôter les publicains de la province d'Asie et d'y établir une autre sorte d'administration, comme nous l’apprenons de Dion, liv. XLII, c. VI. Et Tacite, Ann., liv. I,c. LXXVI, nous dit que la Macédoine et l’Achaïe, provinces qu’Auguste avoit laissées au peuple romain, et qui, par conséquent, étoient gouvernées sur l’ancien plan, obtinrent d’être du nombre de celles que l’empereur gouvernoit par ses officiers. (M.)
  3. Voyez Chardin, Voyage de Perse, t. VI. (M.)
  4. Tacite, Ann., liv. XIII, c. I.