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CHAPITRE XIX.


QU'EST-CE QUI EST PLUS CONVENABLE
AU PRINCE ET AU PEUPLE, DE LA FERME OU DE LE RÉGIE
DES TRIBUTS ?


La régie est l'administration d’un bon père de famille, qui lève lui-même, avec économie et avec ordre, ses revenus.

Par la régie, le prince est le maître de presser ou de retarder la levée des tributs, ou suivant ses besoins, ou suivant ceux de ses peuples. Par la régie, il épargne à l'État les profils immenses des fermiers [1], qui l’appauvrissent d’une infinité de manières. Par la régie, il épargne au peuple le spectacle des fortunes subites qui l’affligent. Par la régie, l’argent levé passe par peu de mains ; il va directement au prince, et par conséquent revient plus promptement au peuple. Par la régie, le prince épargne au peuple une infinité de mauvaises lois qu’exige toujours de lui l’avarice importune des fermiers, qui montrent un avantage présent dans des règlements [2] funestes pour l’avenir [3].

Comme celui qui a l’argent est toujours le maître de l’autre, le traitant se rend despotique sur le prince même ;

  1. Fermiers des impôts, fermiers généraux.
  2. A. B. Pour des règlements.
  3. Inf., XX, XIII.