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CHAPITRE XV.


ABUS DE LA LIBERTÉ.


Ces grands avantages de la liberté ont fait que l'on a abusé de la liberté même. Parce que le gouvernement modéré a produit d’admirables effets, on a quitté cette modération ; parce qu’on a tiré de grands tributs, on en a voulu tirer d’excessifs ; et, méconnoissant la main de la liberté qui faisoit ce présent, on s’est adressé à la servitude qui refuse tout.

La liberté a produit l’excès des tributs ; mais l’effet de ces tributs excessifs est de produire à leur tour la servitude, et l’effet de la servitude, de produire la diminution des tributs.

Les monarques de l’Asie ne font guère d’édits que pour exempter chaque année de tributs quelque province de leur empire [1] : les manifestations de leur volonté sont des bienfaits. Mais, en Europe [2], les édits des princes affligent même avant qu’on les ait vus, parce qu’ils y parlent toujours de leurs besoins, et jamais des nôtres.

D’une impardonnable nonchalance, que les ministres de ces pays-là [3] tiennent du gouvernement, et souvent du

  1. C'est l'usage des empereurs de la Chine. (M.)
  2. Lisez : en France.
  3. Les pays d'Asie.