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LIVRE XIII CHAP. XIV.


l'acheteur, quoique le marchand l'avance, est un prêt que le marchand a déjà fait à l’acheteur : ainsi il faut regarder le négociant, et comme le débiteur général de l’État, et comme le créancier de tous les particuliers. Il avance à l’État le droit que l’acheteur lui paiera quelque jour ; et il a payé pour l’acheteur le droit qu’il a payé pour la marchandise. On sent donc que plus le gouvernement est modéré, que plus l’esprit de liberté règne, que plus les fortunes ont de sûreté, plus il est facile au marchand d’avancer à l’État et de prêter au particulier des droits considérables. En Angleterre, un marchand prête réellement à l’État cinquante ou soixante livres sterling à chaque tonneau de vin qu’il reçoit. Quel est le marchand qui oseroit faire une chose de cette espèce dans un pays gouverné comme la Turquie ? Et, quand il l’oseroit faire, comment le pourroit-il, avec une fortune suspecte, incertaine, ruinée ?



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