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LIVRE XIII, CHAP. VII.


physique égal, que ce nécessaire physique ne devoit point être taxé ; que Futile venoit ensuite, et qu’il devoit être taxé, mais moins que le superflu ; que la grandeur de la taxe sur le superflu empêchoit le superflu.

Dans la taxe sur les terres, on fait des rôles où l'on met les diverses classes des fonds. Mais il est très-difficile de connoître ces différences, et encore plus de trouver des gens qui ne soient point intéressés à les méconnoître. Il y a donc là deux sortes d’injustices : l’injustice de l’homme et l’injustice de la chose. Mais si en général la taxe n’est point excessive, si on laisse au peuple un nécessaire abondant, ces injustices particulières ne seront rien. Que si, au contraire, on ne laisse au peuple que ce qu’il lui faut à la rigueur pour vivre, la moindre disproportion sera de la plus grande conséquence.

Que quelques citoyens ne paient pas assez, le mal n’est pas grand ; leur aisance revient toujours au public ; que quelques particuliers paient trop, leur ruine se tourne contre le public. Si l’État proportionne sa fortune à celle des particuliers, l’aisance des particuliers fera bientôt monter sa fortune. Tout dépend du moment. L’État commencera-t-il par appauvrir les sujets pour s’enrichir ? ou attendra-t-il que des sujets à leur aise l’enrichissent ? Aura-t-il le premier avantage, ou le second ? Commencera-t-il par être riche, ou finira-t-il par l’être ?

Les droits sur les marchandises sont ceux que les peuples sentent le moins, parce qu’on ne leur fait pas une demande formelle [1]. Ils peuvent être si sagement ménagés, que le peuple ignorera presque qu’il les paie. Pour cela, il est d’une grande conséquence que ce soit celui qui vend

  1. Inf., ch. XIV.