Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/130

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE II.


QUE C'EST MAL RAISONNER DE DIRE QUE LA GRANDEUR
DES TRIBUTS SOIT BONNE PAR ELLE-MÊME.


On a vu, dans de certaines monarchies [1], que de petits pays [2] exempts de tributs [3] étoient aussi misérables que les lieux qui, tout autour, en étoient accablés. La principale raison est [4] que le petit État entouré ne peut avoir d’industrie, d’arts, ni de manufactures, parce qu’à cet égard il est gêné de mille manières par le grand État dans lequel il est enclavé. Le grand État qui l’entoure a l’industrie, les manufactures et les arts ; et il fait des règlements qui lui en procurent tous les avantages. Le petit État devient donc nécessairement pauvre, quelque peu d’impôts qu’on y lève.

On a pourtant conclu de la pauvreté de ces petits pays que, pour que le peuple fût industrieux, il falloit des charges pesantes. On auroit mieux fait d’en conclure qu’il n’en faut pas. Ce sont tous les misérables des environs qui se retirent dans ces lieux-là pour ne rien faire ; déjà découragés par l’accablement du travail, ils font consister toute leur félicité dans leur paresse.

  1. C'est presque toujours la France que l'auteur indique par cette périphrase. V. inf., ch. XII.
  2. A. B. Des petits pays.
  3. La Suisse. V. inf., ch. XII.
  4. A. B. La principale raison en est que, etc.