Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/116

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE XXIII.


DES ESPIONS DANS LA MONARCHIE.


Faut-il des espions dans la monarchie [1] ? Ce n’est pas la pratique ordinaire des bons princes. Quand un homme est fidèle aux lois, il a satisfait à ce qu’il doit au prince. Il faut au moins qu’il ait sa maison pour asile, et le reste de sa conduite en sûreté. L’espionnage seroit peut-être tolérable s’il pouvoit être exercé par d’honnêtes gens ; mais l’infamie nécessaire de la personne peut faire juger de l’infamie de la chose. Un prince doit agir avec ses sujets avec candeur, avec franchise, avec confiance. Celui qui a tant d’inquiétudes, de soupçons et de craintes, est un acteur qui est embarrassé à jouer son rôle. Quand il voit qu’en général les lois sont dans leur force, et qu’elles sont respectées, il peut se juger en sûreté. L’allure générale lui répond de celle de tous les particuliers. Qu’il n’ait aucune crainte, il ne sauroit croire combien on est porté à l’aimer. Eh ! pourquoi ne l’amieroit-on pas ? II est la source de presque tout le bien qui se fait ; et quasi toutes les punitions sont sur le compte des lois. Il ne se montre jamais au peuple qu’avec un visage serein : sa gloire même se communique à nous, et sa puissance nous soutient. Une

  1. Il s'agit ici de l'espionnage politique, et c'est de la France qu'il est question.