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CHAPITRE XXII.


DES CHOSES QUI ATTAQUENT LA LIBERTÉ
DANS LA MONARCHIE.


La chose du monde la plus inutile au prince a souvent affoibli la liberté dans les monarchies : les commissaires nommés quelquefois pour juger un particuliers [1].

Le prince tire si peu d’utilité des commissaires, qu’il ne vaut pas la peine qu’il change l'ordre des choses pour cela. Il est moralement sûr qu’il a plus l’esprit de probité et de justice que ses commissaires, qui se croient toujours assez justifiés par ses ordres, par un obscur intérêt de l'État, par le choix qu’on a fait d’eux, et par leurs craintes mêmes [2].

Sous Henri VIII, lorsqu’on faisoit le procès à un pair, on le faisoit juger par des commissaires tirés de la chambre des pairs : avec cette méthode on fit mourir tous les pairs qu’on voulut.

  1. C'est ainsi que furent jugés Cinq-Mars, Fouquet et tant d’autres.
  2. V. Sup., VI, V. Monarchie ou République, il n’est pas un gouvernement qui ne s’affaiblisse en nommant dos commissions, de quelque façon qu’il les compose. C’est tourner contre soi la conscience publique. Qu’est-ce qu’un tribunal, institué au mépris des tribunaux ordinaires, pour écarter les garanties de la justice régulière ? C'est une comédie qui ne trompe personne ; c’est un abus de la force qui jette sur les coupables mêmes quelque chose de l’intérêt qui entoure les innocents opprimés.
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