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LIVRE XII, CHAP. XXI.


fois en danger la république romaine. Un homme couvert de plaies s’échappa de la maison de son créancier et parut dans la place [1]. Le peuple s’émut à ce spectacle. D’autres citoyens que leurs créanciers n’osoient plus retenir, sortirent de leurs cachots. On leur fit des promesses, on y manqua : le peuple se retira sur le Mont-Sacré. Il n’obtint pas l’abrogation de ces lois, mais un magistrat pour le défendre [2]. On sortoit de l’anarchie, on pensa tomber dans la tyrannie. Manlius, pour se rendre populaire, alloit retirer des mains des créanciers les citoyens qu’ils avoient réduits en esclavage [3]. On prévint les desseins de Manlius ; mais le mal restoit toujours. Des lois particulières donnèrent aux débiteurs des facilités de payer [4], et l’an de Rome 428 les consuls portèrent une loi [5] qui ôta aux créanciers le droit de tenir les débiteurs en servitude dans leurs maisons [6]. Un usurier nommé Papirius avoit voulu corrompre la pudicité d’un jeune homme nommé Publius [7] qu’il tenoit dans les fers. Le crime de Sextus [8] donna à Rome la liberté politique ; celui de Papirius y donna la liberté civile.

Ce fut le destin de cette ville que des crimes nouveaux y confirmèrent la liberté que des crimes anciens lui avoient procurée. L’attentat d’Appius sur Virginie remit le peuple dans cette horreur contre les tyrans que lui avoit

  1. Denys d’Halicarnasse, Antiquités romaines, liv. VI. (M.)
  2. Les tribuns du peuple.
  3. Plutarque, Vie ds Furius Camillus, c. XVIII. (M.)
  4. Voyez ci-après le chap, XXII du liv. XXII. (M.)
  5. Cent vingt ans après la loi des douze Tables. Eo anno plebi romanœ velut aliud initium libertatis factum est, quod necti desierunt. Tite-Live, liv. VIII, c. XXVIII. (M.)
  6. Bona debitoris, non corpus obnoxium esset. Ibid. (M.)
  7. Publilius.
  8. Sextus Tarquin.