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CHAPITRE XXI.


DE LA CRUAUTÉ DES LOIS ENVERS LES DÉBITEURS
DANS LA RÉPUBLIQUE.


Un citoyen s’est déjà donné une assez grande supériorité sur un citoyen, en lui prêtant un argent que celui-ci n'a emprunté que pour s’en défaire, et que par conséquent il n’a plus [1]. Que sera-ce dans une république, si les lois augmentent cette servitude encore davantage ?

A Athènes et à Rome [2] il fut d’abord permis de vendre les débiteurs qui n’étoient pas en état de payer. Solon corrigea cet usage à Athènes [3] : il ordonna que personne ne seroit obligé par corps pour dettes civiles. Mais les décemvirs ne réformèrent pas de même l’usage de Rome ; et, quoiqu’ils eussent devant les yeux le règlement de Solon, ils ne voulurent pas le suivre. Ce n’est pas le seul endroit de la loi des Douze Tables où l’on voit le dessein des décemvirs de choquer l’esprit de la démocratie.

Ces lois cruelles contre les débiteurs mirent bien des

  1. S’il s’en est défait il a dû obtenir une valeur équivalente, à moins qu’il ne l'ait perdu au jeu ou en débauches. Le créancier n'a d’autre supériorité que d’avoir eu confiance dans l’honnêteté de son débiteur.
  2. Plusieurs vendoient leurs enfants pour payer leurs dettes. Plutarque, Vie de Solon. (M.)
  3. Ibid.

    Il paroît par l’histoire que cet usage étoit établi chez les Romains avant la loi des Douze Tables. Tite-Live, Décade I, liv. II, c. XXIII et XXIV. (M.)