Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
DE L’ESPRIT DES LOIS.

n’a d’autre soin que de cultiver un esprit et une âme qui doit être vigilante, qui doit être sage, qui doit être juste pour la société ; cette philosophie, qui a une force et une efficace de vive loi, parce qu’elle forme le bon prince, le bon magistrat, le bon sujet, le bon patriote, le bon parent et, pour tout dire, le citoyen vertueux. Sans cette philosophie, Alexandre n’auroit jamais civilisé tant de peuples. Inspirés par cette philosophie, les enfants de ces contrées barbares faisoient leur passe-temps de lire les vers d’Homère, et de chanter les tragédies de Sophocle et d’Euripide. Sans cette philosophie, Épaminondas n’auroit pas fait l’admiration de l’univers.

Notre auteur, après avoir jeté des fondements si solides à regard de l’éducation, suivant toujours de près les principes de chaque gouvernement, rapporte à une théorie si féconde et si générale de ces mêmes principes les lois que le législateur veut donner à toute la société.

Chose singulière ! toutes promptes et étendues que sont les vues de notre auteur, elles ne sauroient ici le décharger de la plus laborieuse attention. Comme il a l’habileté suprême de distinguer quand il faut seulement indiquer, quand il faut enseigner, quand il faut diriger, ce n’est qu’après des recherches sans nombre et compliquées, inséparables d’un grand travail et d’une application suivie, qu’il découvre ici toutes les faces de ces objets de législation, et leurs différences les plus délicates. C’est ainsi que dans une beauté achevée du corps humain, qui consiste dans la juste proportion de ses parties, celles qui doivent avoir plus de force ont aussi plus de grosseur, celles qui doivent être plus déliées sont à mesure plus déchargées.

Ainsi c’est avec la dernière exactitude que notre auteur, en conformité des principes du gouvernement républicain, où il est souverainement important que la volonté particulière ne trouble pas la disposition de la loi fondamentale, montre les lois propres à favoriser la subordination aux magistrats, le respect pour les vieillards, la puissance paternelle, l’attache-