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ANALYSE RAISONNÉE

précision incomparable, recherche, examine et découvre ces ressorts dans la nature même de chaque gouvernement ; ressorts qu’il appelle principes. La vertu politique, c’est-à-dire l’amour de la patrie et de l’égalité, fait agir le gouvernement républicain ; l’honneur est le mobile du gouvernement monarchique ; la crainte entraîne tout dans le gouvernement despotique. Ces principes ont tant de vues, et ils influent si immédiatement sur la constitution, qu’on peut les considérer comme la clef d’une infinité de lois. Notre auteur découvre d’un si beau point de vue les détails immenses des lois.

C’est à ce principe qu’il rapporte les lois de l’éducation. En effet, c’est par là que les grands politiques et les sages législateurs ont tracé le plan de leur législation, ayant toujours regardé l’éducation comme l’âme, l’ordre, le conseil, la vigueur du gouvernement. C’est surtout lorsqu’il parle de l’éducation propre au gouvernement monarchique, qu’il fouille dans les replis les plus secrets du cœur humain, afin de pouvoir dévoiler les ressorts de l’honneur, et développer les semences de ses bizarreries. Il remonte à l’antiquité la plus reculée pour y chercher des exemples frappants de cette vertu politique si nécessaire à former un vrai républicain. Il nous fait trouver des points fixes dans ces institutions singulières que, sans ses éclaircissements, on auroit crues n’être que l’ouvrage d’une spéculation oisive, ou de quelque esprit inquiet.

Notre auteur, sûr de la possession de ses immenses richesses, se plait à faire toujours entrevoir des germes de pensées cachées, que la méditation du lecteur fait éclore. La chaîne précieuse des idées qui se suivent, même sans se montrer, paroît indiquer dans ce livre sur l’éducation que ce seroit l’endroit propre pour rendre hommage à cette philosophie qui, débarrassée de toutes questions frivoles, ou plus curieuses qu’utiles, n’a pour objet que la recherche du vrai bien et les principes de la saine morale ; par conséquent cette philosophie saine et bienfaisante qui, avec des yeux de mère,