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LIVRE X, CHAP. XIV.


lui arriva quelquefois) que d’une révolte générale. Il respecta les traditions anciennes et tous les monuments de la gloire ou de la vanité des peuples. Les rois de Perse avoient détruit les temples des Grecs, des Babyloniens et des Égyptiens ; il les rétablit [1] ; peu de nations se soumirent à lui, sur les autels desquelles il ne fit des sacrifices. Il sembloit qu’il n’eût conquis que pour être le monarque particulier de chaque nation, et le premier citoyen de chaque ville. Les Romains conquirent tout pour tout détruire : il voulut tout conquérir pour tout conserver ; et quelque pays qu’il parcourût, ses premières idées, ses premiers desseins furent toujours de faire quelque chose qui pût en augmenter la prospérité et la puissance. Il en trouva les premiers moyens dans la grandeur de son génie ; les seconds, dans sa frugalité et son économie particulière [2] ; les troisièmes dans son immense prodigalité pour les grandes choses. Sa main se fermoit pour les dépenses privées ; elle s’ouvroit pour les dépenses publiques. Falloit-il régler sa maison, c’étoit un Macédonien ; falloit-il payer les dettes des soldats, faire part de sa conquête aux Grecs, faire la fortune de chaque homme de son armée, il étoit Alexandre.

Il fit deux mauvaises actions : il brûla Persépolis, et tua Glitus. Il les rendit célèbres par son repentir : de sorte qu’on oublia ses actions criminelles, pour se souvenir de son respect pour la vertu ; de sorte qu’elles furent considérées plutôt comme des malheurs que comme des choses qui lui fussent propres ; de sorte que la postérité trouve la beauté de son âme presque à côté de ses em-

  1. Voyez Arrien, De exped, Alex. (M.)
  2. Ibid lib. VII. (M.)