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CHAPITRE XXI.


DE L'EMPIRE DE LA CHINE[1].


Avant de finir ce livre, je répondrai à une objection qu’on peut faire sur tout ce que j’ai dit jusqu’ici.

Nos missionnaires nous parlent du vaste empire de la Chine, comme d’un gouvernement admirable, qui mêle ensemble dans son principe la crainte, l’honneur et la vertu. J’ai donc posé une distinction vaine, lorsque j’ai établi les principes des trois gouvernements.

J’ignore ce que c’est que cet honneur dont on parle chez des peuples à qui on ne fait rien faire qu’à coups de bâton [2].

De plus, il s’en faut beaucoup que nos commerçants nous donnent l’idée de cette vertu dont nous parlent nos missionnaires : on peut les consulter sur les brigandages des mandarins [3].

  1. Au dernier siècle, les Jésuites avaient fait de la Chine une peinture si séduisante, qu'il y eut une admiration universelle pour cet empire patriarcal. Les philosophes du XVIIIe siècle se servent de la Chine, comme Tacite se sert de la Germanie, pour écraser les contemporains. Montesquieu n'a pas donné dans cette erreur ; il se défiait des lettres du Père Parennin, et ne pouvait pas comprendre l'union de la vertu et de l’honneur avec un pouvoir absolu. Il n'est pas besoin de dire si Montesquieu avait raison.
  2. C’est le bâton qui gouverne la Chine, dit le P. du Halde. Disc, de la Chine, t. II, p. 134. (M.)
  3. Voyez, entre autres, la relation de Lange. (M.)