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CHAPITRE XVI.


PROPRIÉTÉS DISTINCTIVES DE LA RÉPUBLIQUE.


Il est de la nature d’une république qu’elle n’ait qu’un petit territoire ; sans cela elle ne peut guère subsister [1]. Dans une grande république, il y a de grandes fortunes, et par conséquent peu de modération dans les esprits : il y a de trop grands dépôts à mettre entre les mains d’un citoyen ; les intérêts se particularisent ; un homme sent d’abord qu’il peut être heureux, grand, glorieux, sans sa patrie ; et bientôt, qu’il peut être seul grand sur les ruines de sa patrie.

Dans une grande république, le bien commun est sacrifié à mille considérations ; il est subordonné à des exceptions ; il dépend des accidents. Dans une petite, le bien public est mieux senti, mieux connu, plus près de chaque citoyen ; les abus y sont moins étendus, et par conséquent moins protégés.

Ce qui fit subsister si longtemps Lacédémone, c’est

  1. Cela était de la nature des républiques de l'antiquité, en un temps où les États n’étaient que des cités qui se gouvernaient elles-mêmes en délibérant sur la place publique. Aujourd’hui l’exemple de l'Amérique nous a donné d’autres idées. Mais aux derniers siècles l’exemple manquait ; et pour Machiavel comme pour Montesquieu, qui n’avaient devant les yeux que la chute de la république romaine dès qu’elle s’était agrandie, c’était un axiome reçu qu’une république ne peut vivre que sur un petit territoire.