et l’espèce humaine s’y multiplie à un tel point, que les terres, quelque cultivées qu’elles soient, suffisent à peine pour la nourriture des habitants. Le luxe y est donc pernicieux, et l'esprit de travail et d’économie y est aussi requis que dans quelque république que ce soit
[1]. Il faut qu'on s’attache aux arts nécessaires, et qu’on fuie ceux de la volupté.
Voilà l’esprit des belles ordonnances des empereurs chinois. « Nos anciens, dit un empereur de la famille des Tang [2], tenoient pour maxime que, s’il y avoit un homme qui ne labourât point, une femme qui ne s’occupât point à filer, quelqu’un souffroit le froid ou la faim dans l’empire... » Et sur ce principe, il fit détruire une infinité de monastères de bonzes.
Le troisième empereur de la vingt-unième dynastie [3], à qui on apporta des pierres précieuses trouvées dans une mine, la fit fermer, ne voulant pas fatiguer son peuple à travailler pour une chose qui ne pouvoit ni le nourrir ni le vêtir.
« Notre luxe est si grand, dit Kiayventi [4], que le peuple orne de broderies les souliers des jeunes garçons et des filles, qu’il est obligé de vendre. » Tant d’hommes étant occupés à faire des habits pour un seul, le moyen qu’il n’y ait bien des gens qui manquent d’habits [5] ? Il y a dix hommes qui mangent le revenu des terres, contre un labou-
- ↑ Le luxe y a toujours été arrêté. (M.)
- ↑ Dans une ordonnance rapportée par le P. du Halde, tome II, p. 497. (M.)
- ↑ Histoire de la Chine, vingt-unième dynastie, dans l'ouvrage du P. du Halde, t. I. (M.)
- ↑ Dans un discours rapporté par le P. du Halde, t. II, p. 418. (M.)
- ↑ Ceci est une erreur économique. Ceux qui font des habits pour les autres ne les font pas pour rien. Ils gagnent un salaire qui leur permet de vivre, c’est-à-dire de se loger, de se nourrir et de s'habiller.