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LIVRE SEPTIÈME.


CONSÉQUENCES DES DIFFÉRENTS PRINCIPES
DES TROIS GOUVERNEMENTS
PAR RAPPORT AUX LOIS SOMPTUAIRES, AU LUXE
ET A LA CONDITION DES FEMMES.


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CHAPITRE PREMIER.

DU LUXE [1].


Le luxe est toujours en proportion avec l'inégalité des fortunes. Si, dans un État, les richesses sont également partagées [2], il n'y aura point de luxe ; car il n'est fondé que sur les commodités qu'on se donne par le travail des autres.

Pour que les richesses restent également partagées, il faut que la loi ne donne à chacun que le nécessaire phy-

  1. Qu'est-ce que le luxe dans la langue de Montesquieu ? D'ordinaire, on donne ce nom aux dépenses stériles, aux plaisirs d'éclat ; mais Montesquieu donne ce nom à tout ce qui dépasse le nécessaire physique. C'est une conception étroite et fausse. Si les hommes s'en étaient tenus au nécessaire, physique ils ne seraient jamais sortis de la barbarie. Je préfère de beaucoup la définition de l'abbé de Saint-Pierre. « Le mauvais usage du superflu, c'est ce que j'appelle luxe. » (Rêves d'un homme de bien, p. 225.)
  2. C'est une hypothèse chimérique. Il y a des couvents où chaque moine n'a que le nécessaire physique ; mais il n'y a pas de société qui vive dans de pareilles conditions. Dès qu'un homme travaille et économise, il y a inégalité dans le partage des richesses.