Les monarques ont tant à gagner par la clémence, elle est suivie de tant d’amour, ils en tirent tant de gloire, que c’est presque toujours un bonheur pour eux d’avoir l'occasion [1] de l’exercer ; et on le peut presque toujours dans nos contrées.
On leur disputera peut-être quelque branche de l’autorité, presque jamais l’autorité entière ; et si quelquefois ils combattent pour la couronne, ils ne combattent point pour la vie.
Mais, dira-t-on, quand faut-il punir ? quand faut-il pardonner ? C’est une chose qui se fait mieux sentir qu’elle ne peut se prescrire. Quand la clémence a des dangers, ces dangers sont très-visibles ; on la distingue aisément de cette foiblesse qui mène le prince au mépris et à l'impuissance même de punir.
L’empereur Maurice [2] prit la résolution de ne verser jamais le sang de ses sujets. Anastase [3] ne punissoit point les crimes. Isaac l’Ange jura que, de son règne, il ne feroit mourir personne. Les empereurs grecs avoient oublié que ce n’étoit pas en vain qu’ils portoient l’épée.
- ↑ A. D'avoir une occasion, etc. ; B. D'avoir occasion, etc.
- ↑ Evagre, Histoire.
- ↑
Fragment de Suidas [qui se retrouve] dans Const. Porphyrogéaète. (M.) Le sens de l’original est qu'Anastase donnait les charges à des sujets
indignes. L’ancienne version latine de Suidas a trompé M. de Montesquieu.
(CRÉVIER.) ______________