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CHAPITRE XIX.


NOUVELLES CONSÉQUENCES DES PRINCIPES
DES TROIS GOUVERNEMENTS.


Je ne puis me résoudre à finir ce livre sans faire encore quelques applications de mes trois principes.

PREMIÈRE QUESTION. Les lois [1] doivent-elles forcer un citoyen à accepter les emplois publics ? Je dis qu’elles le doivent dans le gouvernement républicain, et non pas dans le monarchique. Dans le premier, les magistratures sont des témoignages de vertu, des dépôts que la patrie confie à un citoyen, qui ne doit vivre, agir et penser que pour elle ; il ne peut donc pas les refuser [2]. Dans le second, les magistratures sont des témoignages d’honneur ; or telle est la bizarrerie de l’honneur, qu’il se plaît à n’en accepter aucun que quand il veut, et de la manière qu’il veut.

Le feu roi de Sardaigne [3] punissoit ceux qui refusoient les dignités et les emplois de son État ; il suivoit, sans le savoir, des idées républicaines. Sa manière de gouverner, d’ailleurs, prouve assez que ce n’étoit pas là son intention.

  1. A. B. C'est une question de savoir si les lois doivent forcer, etc.
  2. Platon, dans sa République, liv. VIII, met ces refus au nombre des marques de la corruption de la république. Dans ses Lois, liv. VI, il veut qu’on les punisse par une amende. A Venise, on les punit par l'exil. (M.)
  3. Victor Amédée. (M.) Premier roi de Sicile et de Sardaigne (1666-1732).