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CHAPITRE XIV.


COMMENT LES LOIS SONT RELATIVES AU PRINCIPE
DU GOUVERNEMENT DESPOTIQUE.


Le gouvernement despotique a pour principe la crainte : mais à des peuples timides, ignorants, abattus, il ne faut pas beaucoup de lois.

Tout y doit rouler sur deux ou trois idées ; il n’en faut donc pas de nouvelles. Quand vous instruisez une bête, vous vous donnez bien de garde de lui faire changer de maître, de leçon et d’allure ; vous frappez son cerveau par deux ou trois mouvements, et pas davantage.

Lorsque le prince est enfermé, il ne peut sortir du séjour de la volupté sans désoler tous ceux qui l’y retiennent. Ils ne peuvent souffrir que sa personne et son pouvoir passent en d’autres mains [1]. Il fait donc rarement la guerre en personne, et il n’ose guère la faire par ses lieutenants.

Un prince pareil, accoutumé dans son palais à ne trouver aucune résistance, s’indigne de celle qu’on lui fait les armes à la main ; il est donc ordinairement conduit par la colère ou par la vengeance. D’ailleurs il ne peut avoir d’idée de la vraie gloire. Les guerres doivent donc s’y

  1. Chardin, Voyage de Perse, Description du gouvernement, ch. IV.