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V
A L’ESPRIT DES LOIS.


douter quand on lit le titre de l'Esprit des lois, tel qu’il est donné dans toutes les éditions publiées du vivant de l’auteur, titre maladroitement supprimé dans les éditions modernes.


DE L’ESPRIT DES LOIS, ou du rapport que les lois doivent avoir avec la constitution de chaque gouvernement, les mœurs, le climat, la religion, le commerce, etc. A quoi l'auteur a ajouté des recherches nouvelles sur les lois romaines touchant les successions, sur les lois françoises et sur les lois féodales [1].


Ouvrons maintenant ce beau traité. Au troisième chapitre du premier livre, nous lirons le passage suivant qui aura pour nous une clarté saisissante. C’est la pensée même de l'Esprit des lois :


« La loi, en général, est la raison humaine en tant qu’elle gouverne tous les peuples de la terre ; et les lois politiques et civiles de chaque nation ne doivent être que les cas particuliers où s’applique cette raison humaine.

« Elles doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c’est un grand hasard si celles d’une nation peuvent convenir à une autre.

« Il faut qu’elles se rapportent à la nature et au principe du gouvernement qui est établi ou qu’on veut établir ; soit qu’elles le forment, comme font les lois politiques ; soit qu’elles le maintiennent, comme font les lois civiles.

« Elles doivent être relatives au physique du pays, au climat glacé, brûlant ou tempéré ; à la qualité du terrain, à sa situation, à sa grandeur ; au genre de vie des peuples, laboureurs, chasseurs ou pasteurs ; elles doivent se rapporter au degré de liberté que la constitution peut souffrir ; à la religion des habitants, à leurs inclinations, à leurs richesses, à leur nombre, à leur commerce, à leurs mœurs, à leurs manières. Enfin elles ont des rapports entre elles, elles en ont avec leur origine, avec l’objet du législateur, avec l'ordre des choses sur lesquelles elles sont établies. C'est dans toutes ces vues qu'il faut tes considérer.

« C'est ce que j’entreprends de faire dans cet ouvrage. J’examinerai tous ces rapports ; ils forment tous ensemble ce que l'on appelle L’ESPRIT DES LOIS. »

  1. J’ai rétabli dans cette édition le titre de l’édition de 1749, pour conserver au livre sa vraie physionomie.