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CHAPITRE V.


DE L’ÉDUCATION DANS LE GOUVERNEMENT
RÉPUBLICAIN.


C’est dans le gouvernement républicain que l'on a besoin de toute la puissance de l’éducation [1]. La crainte des gouvernements despotiques naît d’elle-même parmi les menaces et les châtiments ; l’honneur des monarchies est favorisé par les passions, et les favorise à son tour : mais la vertu politique [2] est un renoncement à soi-même, qui est toujours une chose très-pénible.

On peut définir cette vertu, l’amour des lois et de la patrie [3]. Cet amour, demandant une préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre, donne toutes les vertus particulières ; elles ne sont que cette préférence.

Cet amour est singulièrement affecté aux démocraties [4]. Dans elles seules, le gouvernement est confié à

  1. Dans un pays où le peuple est souverain, l'éducation du moindre citoyen est aussi importante que celle de l’héritier du trône dans une monarchie.
  2. A. B. Mais la vertu est un renoncement, etc.
  3. Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, IIIe partie, chap. VI, parle comme Montesquieu. « Le fond d’un Romain, dit-il, étoit l'amour de sa liberté et de sa patrie. Une de ces choses lui faisoit aimer l’autre, car, parce qu’il aimoit sa liberté il aimoit aussi sa patrie comme une mère qui le nourrissoit dans des sentiments également généreux et libres. Sous ce nom de liberté, les Romains se figuroient, avec les Grecs, un État où personne ne fût sujet que de la loi, et où la loi fût plus puissante que les hommes. »
  4. Lettres persanes, LXXXIX.