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CHAPITRE II.


DE L’ÉDUCATION DANS LES MONARCHIES [1].


Ce n’est point dans les maisons publiques où l'on instruit l’enfance, que l’on reçoit dans les monarchies la principale éducation ; c’est lorsque l’on entre dans le monde, que l’éducation en quelque façon commence. Là est l’école de ce que l’on appelle l'honneur, ce maître universel qui doit partout nous conduire [2].

C’est là que l’on voit et que l’on entend toujours dire trois choses : « qu’il faut mettre dans les vertus une certaine noblesse, dans les mœurs une certaine franchise, dans les manières une certaine politesse. »

Les vertus qu’on nous y montre sont toujours moins ce que l’on doit aux autres, que ce que l’on se doit à soi-même : elles ne sont pas tant ce qui nous appelle vers nos concitoyens, que ce qui nous en distingue [3].

  1. Conf., Lettres persanes, LXXXIX et XC.
  2. Dans tout ce que l'auteur dit de la monarchie, il n'est question que de la noblesse d’épée ou de robe et du clergé. Il n'est jamais question de cette sorte de gens qu'on a abandonnés dans tous les âges, c'est-à-dire du peuple. Historiquement, Montesquieu a raison ; le peuple ne comptait pas dans notre ancien régime, mais on sent combien son champ d'observation est étroit, et combien de réflexions, justes en 1748, n'ont plus de portée aujourd’hui que la vieille royauté repose depuis plus de quatre-vingts ans dans la tombe.
  3. . C'est plutôt peindre des courtisans qu’une nation. (HELVÉTIUS.)