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LIVRE II, CHAP. IV.


chie par ses chimériques remboursements, et sembloit vouloir racheter la constitution même.

Il ne suffit pas qu’il y ait, dans une monarchie, des rangs intermédiaires ; il faut encore un dépôt de lois. Ce dépôt ne peut être que dans les corps politiques, qui annoncent les lois lorsqu’elles sont faites et les rappellent lorsqu’on les oublie [1]. L’ignorance naturelle à la noblesse, son inattention, son mépris pour le gouvernement civil, exigent qu’il y ait un corps qui fasse sans cesse sortir les lois de la poussière où elles seroient ensevelies. Le Conseil du prince n’est pas un dépôt convenable [2]. Il est, par sa nature, le dépôt de la volonté momentanée du prince qui exécute, et non pas le dépôt des lois fondamentales. De plus, le Conseil du monarque change sans cesse ; il n’est point permanent ; il ne sauroit être nombreux ; il n’a point à un assez haut degré la confiance du peuple : il n’est donc pas en état de l'éclairer dans les temps difficiles, ni de le ramener à l’obéissance.

Dans les États despotiques, où il n’y a point de lois fondamentales, il n’y a pas non plus de dépôt de lois. De là vient que, dans ces pays, la religion a ordinairement tant de force [3], c’est qu’elle forme une espèce de dépôt et de permanence ; et, si ce n’est pas la religion, ce sont les coutumes qu’on y vénère, au lieu des lois.

  1. En d’autres termes, il faut des parlements avec le droit d’enregistrement et de remontrances.
  2. Le Conseil d'État était l’agent le plus direct de la volonté royale, et l’ennemi naturel du parlement. C’était par des Arrêts du Conseil que Louis XIV et Louis XV faisaient la loi dans leur royaume, et paralysaient au besoin l’autorité du parlement.
  3. Inf. III, X. V. XIV.
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