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CHAPITRE IV.


DES LOIS LEUR RAPPORT AVEC LA NATURE [1]
DU GOUVERNEMENT MONARCHIQUE [2].


Les pouvoirs intermédiaires, subordonnés et dépendants, constituent la nature du gouvernement monarchique, c’est-à-dire de celui où un seul gouverne par des lois fondamentales [3]. J’ai dit les pouvoirs intermédiaires, subordonnés et dépendants : en effet, dans la monarchie, le prince est la source de tout pouvoir politique et civil. Ces lois fondamentales supposent nécessairement des canaux moyens par où coule la puissance : car, s’il n’y a dans l’État que la volonté momentanée et capri-

  1. A. B. Dans leur rapport à la nature, etc.
  2. La monarchie pour Montesquieu, c’est le gouvernement de la France.
  3. Pour nos anciens Jurisconsultes, il y avait en France un certain nombre de lois fondamentales que nos rois se déclaraient eux-mêmes dans l'heureuse impuissance de changer. Telle était la loi salique qui excluait les femmes de la couronne. Telle était la division des ordres, telle était encore la maxime que l'impôt doit être voté par les États généraux. A la fin du dernier siècle on a publié sous le titre de Maxime du Droit public français, deux volumes in-4o afin de prouver que ces lois fondamentales garantissaient les droits les plus précieux d’un peuple libre. Par malheur ces lois, ou plutôt ces coutumes fondamentales, étaient un beau prétexte à remontrances, quand le parlement était en veine d’opposition ; mais si l'on cherche quel moyen le sujet opprimé, rançonné, emprisonné sans jugement, dépouillé sans indemnité, avait de se faire rendre justice ; on s’aperçoit bientôt que faute d’une constitution politique ces lois fondamentales n’étaient qu’un vain mot. Elles servaient au clergé, à la noblesse et au parlement pour défendre leurs privilèges ; mais prétendre qu’il y avait des libertés en France et des garanties contre l’arbitraire, avant 1789, c’est un peu abuser du droit qu’on a de se moquer des gens. Inf. V, II.