élire, comme cela se pratiquoit à Rome dans quelques
occasions
[1].
Le peuple est admirable pour choisir ceux à qui il doit confier quelque partie de son autorité. Il n’a à se déterminer que par des choses qu’il ne peut ignorer, et des faits qui tombent sous les sens. II sait très-bien qu’un homme a été souvent à la guerre, qu’il y a eu tels ou tels succès ; il est donc très-capable d’élire un général. Il sait qu’un juge est assidu ; que beaucoup de gens se retirent de son tribunal content de lui ; qu’on ne l’a pas convaincu de corruption ; en voilà assez pour qu’il élise un préteur. Il a été frappé de la magnificence ou des richesses d’un citoyen ; cela suffit pour qu’il puisse choisir un édile. Toutes ces choses sont des faits dont il s’instruit mieux dans la place publique, qu’un monarque dans son palais [2]. Mais saura-t-il conduire une affaire, connaître les lieux, les occasions, les moments, en profiter ? Non : il ne le saura pas.
Si l’on pouvoit douter de la capacité naturelle qu’a le peuple pour discerner le mérite, il n’y auroit qu’à jeter
- ↑ A Rome, les sénateurs ont toujours été choisis par un magistrat à qui le peuple en avait donné le pouvoir : consul, censeur, empereur. Mais sous la République les magistrats curules avaient siège au Sénat et y restaient à l'expiration de leurs fonctions Jusqu'au prochain cens où d’ordinaire le censeur les inscrivait parmi les sénateurs. En fait, le peuple nommait donc indirectement la plus grande partie des sénateurs.
- ↑ Tout cela a pu être vrai à Athènes et à Rome, au beau temps de la République, c’est-à-dire dans de petites cités, composées d’hommes libres, en d’autres termes d’une véritable aristocratie qui pouvait tenir dans l’étroite enceinte de l'Agora ou du Forum. Aujourd’hui on est-il de même pour nos grands États et même nos grandes villes ? Pour ne parler que de l’élection des Juges, qui ne sait qu’aux États-Unis, dans les États particuliers, elle a donné de si mauvais résultats qu’en plus d’un pays on a eu la sagesse d’y renoncer ? Mais s’il s’agit de choisir des députés la question change, et Montesquieu a raison. V. Benjamin Constant, Esquisse d’une constitution, ch. IV. Cours de droit constitutionnel, t. I.