Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE II.


DES LOIS DE LA NATURE.


Avant toutes ces lois, sont celles de la nature, ainsi nommées, parce qu’elles dérivent uniquement de la constitution de notre être. Pour les connoître bien, il faut considérer un homme avant rétablissement des sociétés [1]. Les lois de la nature seront celles qu’il recevroit dans un état pareil.

Cette loi qui, en imprimant dans nous-mêmes l’idée d’un créateur, nous porte vers lui, est la première des lois naturelles par son importance, et non pas dans l’ordre de ces lois. L’homme, dans l’état de nature, auroit plutôt la faculté de connoître, qu’il n’auroit des connoissances. Il est clair que ses premières idées ne seroient point des idées spéculatives : il songeroit à la conservation de son être, avant de chercher l’origine de son être [2]. Un homme pareil ne sentiroit d’abord que sa foiblesse ; sa timidité seroit extrême : et, si l’on avoit là-dessus besoin de l’expé-

  1. C'est une supposition chimérique, et les conclusions qu’on en tire sont de pures imaginations. Montesquieu lui-même a fait Justice de ces rêveries. Lettres persanes, XCIV.
  2. Il me semble que nous ne pouvons nous cacher que nous sentons avant de connoître et de comprendre. Loin d’insulter au Créateur, c’est entrer dans ses vues, puisqu'il a voulu que le sentiment de notre existence nous en fit rechercher l’origine. » (Extrait du livre de l'Esprit des lois, p. 3.) Conf., Défense de l'Esprit des lois, première partie, II, sixième objection.