Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/139

Cette page n’a pas encore été corrigée
47
DE L’ESPRIT DES LOIS.


anciennes, on faisoit des lois sur l’état des bâtards, par rapport à la constitution. Telle république recevoit pour citoyens les bâtards, afin d’augmenter sa puissance contre les grands ; telle autre, comme Athènes, retrancha les bâtards du nombre des citoyens, pour avoir une plus grande portion de bled. Dans plusieurs villes, dans la disette de citoyens, les bâtards succédoient ; dans l’abondance, ils ne succédoient pas.

Il fonde le consentement des pères pour le mariage sur leur puissance, leur amour, leur raison, leur prudence ; mais il croit qu’il convient quelquefois d’y mettre des restrictions.

Comme la nature porte assez au mariage, il trouve inutile d’y encourager, à moins qu’elle ne soit arrêtée par la difficulté de la subsistance, par la dureté du gouvernement, par l’excès des impôts, qui font regarder aux cultivateurs leurs champs moins comme le fondement de leur nourriture que comme un prétexte à la vexation. Ainsi notre auteur nous fait sentir combien la population dépend de la sûreté, de la modération, de la douceur du gouvernement : tant il est vrai que chaque page de son ouvrage n’inspire que des sentiments paternels, surtout pour les cultivateurs, qu’on doit regarder comme la base de l’édifice politique.

Il nous fait voir comment la propagation dépend du nombre relatif des filles et des garçons : il développe la raison de la grande propagation dans les ports de mer ; comment elle est plus ou moins grande, suivant les différentes productions de la terre, les pays de pâturages étant peu peuplés, les terres à bled davantage, les vignobles encore plus ; qu’elle est en raison du partage égal des terres, ou en raison des arts, lorsque les terres sont inégalement distribuées ; comment elle dépend de la fécondité du climat, sans besoin des lois, comme à la Chine ; comment elle tient à la nature du gouvernement, comme dans les républiques de la Grèce, où les législateurs n’eurent pour objet que le bonheur des citoyens au dedans et une puissance au dehors. Ainsi, avec un petit territoire et une grande félicité, il étoit facile que la population devînt si con-