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DE L’ESPRIT DES LOIS.

Il se félicite de ce que l’Europe, par cette découverte du Nouveau-Monde, est parvenue à un si haut degré de puissance, qu’elle fait le commerce et la navigation des trois autres parties du monde. L’Amérique a lié à l’Europe l'Asie et l’Afrique. Elle fournit à la première la matière de son commerce avec cette vaste partie de l'Asie qu’on appelle les Indes orientales : le métal, si utile au commerce comme signe, fut la base du plus grand commerce de l’univers comme marchandise. La navigation de l’Afrique devint nécessaire, fournissant des hommes pour le travail des mines et des terres de l’Amérique.

Comme les Indes, au lieu d’être dans la dépendance de l’Espagne, sont devenues le principal, notre auteur n’est point surpris que l’Espagne, devenue accessoire, se soit appauvrie, malgré les richesses immenses tirées de l’Amérique, et, qui plus est, malgré son ciel pur et serein, et malgré ses richesses naturelles. Le travail des mines du Mexique et du Pérou détruit la culture des terres d’Espagne. vous qui êtes à la tête des affaires, vous qui êtes les dépositaires des sentiments des princes et les interprètes de leur amour, écoutez ce grand principe de notre auteur : « C’est une mauvaise espèce de richesse qu’un tribut d’accident, et qui ne dépend pas de l’industrie de la nation, du nombre de ses habitants, ni de la culture de ses terres. »

Notre auteur propose ici une question à examiner ; savoir, si l’Espagne ne pouvant faire le commerce des Indes par elle-même, il ne vaudroit pas mieux qu’elle le rendit libre aux étrangers ; ce qui pourtant, selon lui, ne devroit pas être séparé des autres considérations, surtout du danger d’un grand changement, des inconvénients qu’on prévoit, et qui souvent sont moins dangereux que ceux qu’on ne peut pas prévoir.

Notre auteur, après avoir traité des lois dans leur rapport avec le commerce considéré dans sa nature et ses distinctions, et avec le commerce considéré dans ses révolutions, examine les lois dans leur rapport avec la monnoie.