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ANALYSE RAISONNÉE


chasse et à la poche ; enfin il s'arrête dans les bois et dans les marécages des anciens Germains. A la naïve peinture qu’il trace de ces peuples, simples pasteurs, sans industrie, ne tenant à leur terre que par des cases de jonc, on diroit qu’en instruisant le lecteur il a voulu l'égayer par la vue d’un beau paysage du Poussin, pour le délasser après une pénible et sérieuse méditation. C’est ainsi que la raison même ne dédaigne point de plaire.

Il est beau de voir ici avec quel succès notre auteur sait rapprocher l’admirable ouvrage de Tacite sur les Mœurs des Germains avec les débris dispersés des lois barbares, et, par une heureuse conciliation de ces précieux monuments, qui paroissoient n’avoir rien de commun entre eux, porter une lumière nouvelle à cette loi salique, dont il a raison de dire que tant de gens ont parlé, et que si peu de gens ont lue. Il faut l’avouer, rien n’est plus capable de nous faire repentir de cette négligence où nous sommes tombés à l’égard de l’étude des anciens, que le profit que notre auteur sait tirer de ces beaux restes de l’antiquité.

C’est aussi en suivant de près ces lois pastorales des Germains, si liées à la nature du terroir, que notre auteur sait donner la vie à un amas de faits confus du moyen âge, faisant, pour ainsi dire, sortir d’une noble poussière les lois politiques des fondateurs de la monarchie française.

De tout ceci il faut conclure que c’est sur les sauvages et sur les peuples qui ne cultivent point les terres que la nature et le climat dominent presque seuls ; c’est ce que notre auteur a déclaré plus précisément ailleurs [1]. Il a donc voulu dire, et il a dit expressément, que le physique du climat et du territoire ne sauroit avoir aucune influence sur ces contrées policées, où il est obligé de céder à la vraie religion, aux lois, aux maximes du gouvernement, aux exemples, aux mœurs, aux manières.

  1. Liv. XIX, ch. IV.