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DE L’ESPRIT DES LOIS.


modérer à mesure que la servitude augmente. Il y a, dit-il, ici une espèce de compensation : dans les gouvernements modérés, la liberté est un dédommagement de la pesanteur des tributs, pourvu que par l’excès des tributs on n'abuse pas de la liberté même ; dans les gouvernements despotiques on regarde comme un équivalent pour la liberté la modicité des tributs.

De là il s’ensuit que, dans les pays où l’esclavage de la glèbe est établi, on ne sauroit être trop circonspect à ne point augmenter les tributs pour ne point augmenter la servitude.

Pour ne point choquer cette proportion, notre auteur fait ainsi voir combien il importe que la nature des tributs soit relative à chaque espèce de gouvernement, telle sorte d’impôt convenant plus aux peuples libres, telle autre aux peuples esclaves.

Enfin, avec le guide de ces principes, notre auteur cherche à couper les nerfs à toute vexation, proposant les remèdes propres à guérir mille maladies du corps politique à cet égard. Ces principes sont si féconds, qu’un lecteur attentif en peut tirer des conséquences à perte de vue.

Jusqu’ici notre auteur a examiné l'esprit de la législation dans ses rapports intrinsèques, je veux dire dans ses relations avec la constitution, avec la force défensive et offensive du gouvernement, et avec la liberté. Il considère ensuite les rapports extrinsèques, je veux dire les relations avec le physique du climat et du terroir, avec l’esprit général de la nation, le commerce, la population.

La raison, l’expérience, les livres et les relations de tous les temps et de tous les lieux ont avoué d’un cri général l’influence du physique, particulièrement du climat, sur les mœurs et le caractère des hommes, de façon que celui qui oseroit seulement en douter seroit regardé comme un imbécile.

Ainsi notre auteur fait voir les lois dans leur rapport particulier avec la nature du climat ; et, comme une des grandes beautés de cet ouvrage est qu’un ordre merveilleux, quoique