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LE TEMPLE DE GNIDE.


Déploie avec orgueil ses flottes opulentes :
Il semblait qu’en ce jour leur parure brillante
Avait de tout son luxe épuisé l’univers.

Il vint de l’orient dix filles de l’Aurore :
Ses nymphes, pour la voir, devançaient son réveil,
Et de son prompt départ se plaignaient au Soleil :
Elles voyaient leur mère, et se plaignaient encore
Que le monde jouît de son éclat vermeil.

Du fond de l’Inde, il vint une reine charmante :
Ses enfants déjà beaux folâtraient dans sa tente :
Des hommes la servaient en détournant les yeux :
Esclaves mutilés, honteux de leur bassesse,
Depuis qu’ils respiraient l’air brillant de ces lieux,
Ils sentaient redoubler leur affreuse tristesse.

Les femmes de Cadix se montraient sur les rangs.
Les belles ont partout des hommages fidèles :
Mais dans tous les climats, les honneurs les plus grands
Peuvent seuls apaiser l’ambition des belles.

Les bergères de Gnide attiraient tous les yeux :
Quel doux frémissement s’élevait sur leurs traces !
Au lieu d’or et de pourpre, elles avaient des grâces ;
Les seuls présents de Flore entouraient leurs cheveux :
Leurs guirlandes couvraient une gorge naissante
Qui, pour fuir sa prison, s’agitait vainement ;
Et leur robe de lin, dans leur simple agrément,
Dessinait les contours d’une taille élégante.

On ne vit point Camille à ces fameux débats :
Que m’importe le prix, cher amant ? lui dit-elle ;
C’est pour toi, pour toi seul que je veux être belle :
Le reste est pour mon cœur comme s’il n’était pas.

Diane dédaignait une gloire profane ;
Mais on voyait briller ses charmes ingénus :