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LE TEMPLE DE GNIDE.


Jadis tu t’apaisas, quand de jeunes héros
Portaient la toison d’or sur ta plaine profonde ;
Et cinquante beautés, qui sortaient de Colchos,
Sous leur fardeau chéri firent courber ton onde.

Dans un essaim nombreux de légers courtisans,
Oriane parut, telle qu’une déesse :
Les beautés de Lydie entouraient leur princesse ;
Cent filles à Vénus apportaient ses présents.
Distingué par son rang, moins que par sa tendresse,
Candaule, jour et nuit, la dévorait des yeux ;
Sur ses jeunes attraits sa vue errait sans cesse :
Mon bonheur, disait-il, n’est connu que des dieux ;
Il serait bien plus grand s’il donnait de l’envie.
Belle reine, quittez cette toile ennemie ;
Présentez-vous sans voile aux regards des mortels ,
C’est peu du prix qu’on offre, il vous faut des autels.

Près de là paraissaient vingt Babyloniennes :
La pourpre de Sidon, l’or et les diamants,
Sans augmenter leur prix, chargeaient leurs vêtements.
Comme un signe d’attraits, d’autres encor plus vaines,
Osaient bien étaler les dons de leurs amants.

Cent brunes, qui du Nil habitent le rivage.
Avaient à leurs côtés leurs dociles époux.
Si les lois, disaient-ils, vous font régner sur nous.
Votre beauté vous donne un plus grand avantage :
Nos cœurs, après les dieux, ne chérissent que vous ;
Il n’est point sous le ciel de plus doux esclavage.
Le devoir vous répond de nos engagements ;
Mais l’amour peut lui seul garantir vos serments.
Aux honneurs de ces lieux montrez-vous moins sensibles
Qu’au plaisir délicat de nous garder vos cœurs,
De recueillir chez vous des hommages flatteurs,
Et d’embellir le joug de vos maris paisibles.

D’autres vinrent d’un port qui, sur toutes les mers,