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LE TEMPLE DE GNIDE.


Disait une autre ; en secret je soupire :
J’aime peut-être !... Ah ! si je puis aimer,
Le jeune Atys a pu seul me séduire.

A Gnide, alors il était deux enfants
Simples, naïfs, d’une candeur si pure,
Qu’ils paraissaient, après quinze printemps,
Sortir encor des mains de la nature.
Se regarder, se serrer dans leurs bras
Satisfaisait leur paisible innocence :
Heureux par elle, ils ne soupçonnaient pas
Qu’il fût au monde une autre jouissance !
Mais une abeille, aux lèvres du berger
Fit une plaie ; et pour le soulager,
Philis pressa, de sa bouche vermeille,
L’endroit blessé par le dard de l’abeille.
Qu’arrive-t-il ? Un tourment plus fâcheux,
Depuis ce jour, les a surpris tous deux :
Daphnis s’émeut dès que Philis le touche ;
Il ne fait plus que songer au baiser :
Toute la nuit, soupirant sur sa couche,
Il se désole et ne peut reposer.
Daphnis enfin consulta la déesse,
Pour obtenir un remède à ses feux :
Vénus lui dit le moyen d’être heureux,
Et le berger l’apprit à sa maîtresse.

Dans les beaux jours, une aimable jeunesse
Près de Vénus va réciter des vers ;
Et ces amants, dans leurs tendres concerts,
Chantent sa gloire en chantant leur faiblesse.

Dirai-je, amis, tout ce qui m’a charmé ?
J’étais à Gnide au printemps de mon âge ;
J’y vis Thémire, aussitôt je l’aimai ;
Je la revis, et l’aimai davantage.
Je suis à Gnide, et j’y passe mes jours,
Le luth en main, soupirant mes amours.