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LE TEMPLE DE GNIDE.


Vénus encor, lorsque deux immortelles
De la beauté lui disputaient le prix,
Y consulta ses compagnes fidèles.
Comment s’offrir aux regards de Paris ?
Déjà sur elle on répand l’ambroisie ;
Elle a caché sous l’or de ses cheveux
Cette ceinture où folâtrent les jeux ;
Son char l’emporte, elle arrive en Phrygie.
L’heureux berger balançait dans son choix ;
Mais il la voit, soudain son cœur la nomme :
II veut parler, rougit, reste sans voix,
Et de ses mains laisse échapper la pomme.

Jeune Psyché ! l’Amour, sous ces lambris,
Par tes regards fut lui-même surpris.
Quoi ! disait-il, est-ce ainsi que je blesse ?
Mes traits, mon arc, tout pèse à ma faiblesse !
Et dans l’ardeur de ses premiers soupirs,
Il s’écriait au sein de sa maîtresse :
Ah ! c’est à moi de donner les plaisirs !

Ce temple auguste excite, dès l’entrée,
Un doux transport qui remplit tous les sens :
On est saisi de ces ravissements
Que les dieux seuls goûtent dans l’Empyrée.
Là, le génie enflammant ses pinceaux,
Créa partout des peintures vivantes :
On voit Vénus quittant le sein des eaux,
Les dieux ravis de ses grâces naissantes,
Son embarras né de sa nudité,
Et sa pudeur, la première beauté.

On y voit Mars fier et même terrible :
Du haut d’un char, dans sa course invincible,
Le dieu s’élance au milieu des combats ;
Dans son œil noir un feu guerrier s’allume ;
La Renommée a volé sur ses pas,
Et ses chevaux poudreux, couverts d’écume,