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LE


TEMPLE DE GNIDE




CHANT PREMIER.


Vénus à Gnide aime à fixer sa cour ;
Elle n’a point de plus riant séjour :
Jamais son char ne quitte l’Empyrée
Sans aborder à ce rivage heureux.
Fiers de la voir se confondre avec eux,
Les Gnidiens, à sa vue adorée,
N’éprouvent plus cette frayeur sacrée
Que fait sentir la présence des dieux :
Si d’un nuage elle marche entourée,
On reconnaît l’aimable Cythérée
Au seul parfum qu’exhalent ses cheveux.
Gnide s’élève au sein d’une contrée
Où la nature a versé ses bienfaits :
Le doux printemps l’embellit à jamais.
Une chaleur égale et tempérée
Y fait tout naître, et prévient nos souhaits.
Vous n’entendez que le bruit des fontaines
Et le concert des oiseaux amoureux :
Les bois émus semblent harmonieux :
Mille troupeaux bondissent dans les plaines :
L’esprit des fleurs, par les vents emporté,
De toutes parts embaume leurs haleines ;
L’air s’y respire avec la volupté.