quand quelque divinité cruelle nous l’a ôtée, il n’y a que toi qui puisses nous la rendre.
La noire Jalousie tient l’Amour sous son esclavage ; mais tu lui ôtes l’empire qu’elle prend sur nos cœurs ; et tu la fais rentrer dans sa demeure affreuse.
Après que le sacrifice fut fait, tout le peuple s’assembla autour de nous ; et je racontai à la prêtresse comment nous avions été tourmentés dans la demeure de la Jalousie. Et, tout à coup, nous entendîmes un grand bruit, et un mélange confus de voix et d’instruments de musique. Nous sortîmes du temple et nous vîmes arriver une troupe de bacchantes, qui frappoient la terre de leurs thyrses, criant à haute voix : Evohé. Le vieux Silène suivoit, monté sur son âne : sa tête sembloit chercher la terre ; et, sitôt qu’on abandonnoit son corps, il se balançoit comme par mesure. La troupe avoit le visage barbouillé de lie. Pan paroissoit ensuite avec sa flûte, et les Satyres entouroient leur roi. La joie régnoit avec le désordre ; une folie aimable méloit ensemble les jeux, les railleries, les danses, les chansons[1]. Enfin, je vis Bacchus : il étoit sur son char traîné par des tigres, tel que le Gange le vit au bout de l’univers, portant partout la joie et la victoire.
A ses côtés étoit la belle Ariane. Princesse, vous vous plaigniez encore de l’infidélité de Thésée, lorsque le dieu prit votre couronne, et la plaça dans le ciel. Il essuya vos larmes. Si vous n’aviez pas cessé de pleurer, vous auriez rendu un dieu plus malheureux que vous, qui n’étiez qu’une mortelle. Il vous dit : Aimez-moi ; Thésée fuit ; ne vous souvenez plus de son amour, oubliez jusqu’à sa perfidie. Je vous rends immortelle, pour vous aimer toujours.
- ↑ A. ajoute : le vin menoit à la gaieté ; la gaieté ramenoit au vin.