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ARSACE ET ISMÉNIE.


mence et de la paix. Des vieillards portaient la parole. Le premier parla ainsi :

« Je crois voir ces grands arbres qui font l’ornement de notre contrée. Tu en es la tige, et nous en sommes les feuilles ; elles couvriront les racines des ardeurs du soleil. »

Le second lui dit :

« Tu avais à demander aux dieux que nos montagnes s’abaissassent pour qu’elles ne pussent pas nous défendre contre toi. Demande-leur aujourd’hui qu’elles s’élèvent jusques aux nues, pour qu’elles puissent mieux te défendre contre tes ennemis. »

Le troisième dit ensuite :

« Regarde le fleuve qui traverse notre contrée ; là où il est impétueux et rapide, après avoir tout renversé, il se dissipe et se divise au point que les femmes le traversent à pied. Mais si tu le regardes dans les lieux où il est doux et tranquille, il grossit lentement ses eaux, il est respecté des nations, et il arrête les armées. »

Depuis ce temps ces peuples furent les plus fidèles sujets de la Bactriane.

Cependant le roi de Médie apprit qu’Arsace régnait dans la Bactriane. Le souvenir de l’affront qu’il avait reçu se réveilla dans son cœur. Il avait résolu de lui faire la guerre. Il demanda le secours du roi d’Hyrcanie.

« Joignez-vous à moi, lui écrivit-il, poursuivons une vengeance commune. Le ciel vous destinait la reine de Bactriane ; un de mes sujets vous l’a ravie : venez la conquérir. »

Le roi d’Hyrcanie lui fit cette réponse :

« Je serais aujourd’hui en servitude chez les Bactriens, si je n’avais trouvé des ennemis généreux. Je rends grâces au ciel de ce qu’il a voulu que mon règne commençât par