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ARSACE ET ISMÉNIE.


que dans sa jeunesse il avait conquis quelques petits peuples voisins, situés entre la Médie et la Bactriane. Ils étaient ses alliés ; il voulut les avoir pour sujets, il les eut pour ennemis ; et, comme ils habitaient les montagnes, ils ne furent jamais bien assujettis ; au contraire, les Mèdes se servaient d’eux pour troubler le royaume : de sorte que le conquérant avait beaucoup affaibli le monarque, et que, lorsque Arsace monta sur le trône, ces peuples étaient encore peu affectionnés. Bientôt les Mèdes les firent révolter. Arsace vola et les soumit. Il fit assembler la nation et parla ainsi :

« Je sais que vous souffrez impatiemment la domination des Bactriens : je n’en suis point surpris. Vous aimez vos anciens rois, qui vous ont comblé de bienfaits. C’est à moi à faire en sorte, par ma modération et par ma justice, que vous me regardiez comme le vrai successeur de ceux que vous avez tant aimés. »

Il fit venir les deux chefs les plus dangereux de la révolte, et dit au peuple :

« Je les fais mener devant vous, pour que vous les jugiez vous-mêmes. »

Chacun, en les condamnant, chercha à se justifier.

« Connaissez, leur dit-il, le bonheur que vous avez de vivre sous un roi qui n’a point de passion lorsqu’il punit, et qui n’en met que quand il récompense ; qui croit que la gloire de vaincre n’est que l’effet du sort, et qu’il ne tient que de lui-même celle de pardonner.

« Vous vivrez heureux sous mon empire, et vous garderez vos usages et vos lois. Oubliez que je vous ai vaincus par les armes, et ne le soyez que par mon affection. »

Toute la nation vint rendre grâces à Arsace de sa clé-