je l’eus quittée. Si vous aviez lu les expressions terribles et tendres de sa douleur, vous en auriez été touchée. Je crains que, pendant que je suis retenu dans ces lieux, le désespoir de m’avoir perdu et son dégoût pour la vie ne lui fassent prendre une résolution qui me mettrait au tombeau. »
Elle me fit cette réponse :
« Soyez heureux, Arsace, et donnez tout votre amour à la beauté qui vous aime ; pour moi, je ne veux que votre amitié. »
Le lendemain je fus reconduit dans son appartement. Là je sentis tout ce qui peut porter à la volupté. On avait répandu dans la chambre les parfums les plus agréables. Elle était sur un lit qui n’était fermé que par des guirlandes de fleurs ; elle y paraissait languissamment couchée. Elle me tendit la main et me fit asseoir auprès d’elle. Tout, jusqu’au voile qui lui couvrait le visage, avait de la grâce. Je voyais la forme de son beau corps. Une simple toile, qui se mouvait sur elle, me faisait tour à tour perdre et trouver des beautés ravissantes. Elle remarqua que mes yeux étaient occupés, et quand elle les vit s’enflammer, la toile sembla s’ouvrir d’elle-même. Je vis tous les trésors d’une beauté divine. Dans ce moment, elle me serra la main, mes yeux errèrent partout. Il n’y a, m’écriai-je, que ma chère Ardasire qui soit aussi belle ; mais j’atteste les dieux que ma fidélité… Elle se jeta à mon cou et me serra dans ses bras. Tout d’un coup la chambre s’obscurcit, son voile s’ouvrit ; elle me donna un baiser. Je fut tout hors de moi. Une flamme subite coula dans mes veines et échauffa tous mes sens. L’idée d’Ardasire s’éloigna de moi. Un reste de souvenir… ; mais il ne me paraissait qu’un songe… ; j’allais… j’allais la préférer à elle-