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ARSACE ET ISMÉNIE.

On me ramena dans mon appartement ; et, quelques jours après, je reçus ce billet, écrit d’une main qui m’était inconnue.

« L’amour de la princesse est violent, mais il n’est pas tyrannique ; elle ne se plaindra pas même de vos refus, si vous lui faites voir qu’ils sont légitimes. Venez donc lui apprendre les raisons que vous avez pour être si fidèle à cette Ardasire. »

Je fus reconduit auprès d’elle. Je lui racontai toute l’histoire de ma vie. Lorsque je lui parlais de mon amour, je l’entendais soupirer. Elle tenait ma main dans la sienne, et, dans ces moments touchants, elle la serrait malgré elle.

Recommencez, me disait une de ses femmes, à cet endroit où vous fûtes si désespéré, lorsque le roi de Médie vous donna sa fille. Redites-nous les craintes que vous eûtes pour Ardasire dans votre fuite. Parlez à la princesse des plaisirs que vous goûtiez lorsque vous étiez dans votre solitude chez les Margiens.

Je n’avais jamais dit toutes les circonstances ; je répétais, et elle croyait apprendre ; je finissais, et elle s’imaginait que j’allais commencer.

Le lendemain, je reçus ce billet.

« Je comprends bien votre amour, et je n’exige point que vous me le sacrifiiez. Mais êtes-vous sûr que cette Ardasire vous aime encore ? Peut-être refusez-vous, pour une ingrate, le cœur d’une princesse qui vous adore. »

Je fis cette réponse :

« Ardasire m’aime à un tel point, que je ne saurais demander aux dieux qu’ils augmentent son amour. Hélas ! peut-être qu’elle m’a trop aimé. Je me souviens d’une lettre qu’elle m’écrivit quelque temps après que