brassai ; et, je ne sais par quel charme, mon âme sembla se calmer. Je tenais ce cher objet ; je me livrai tout entier au plaisir d’aimer. Tout, jusqu’à l’idée de mon malheur, fuyait de ma pensée. Je croyais posséder Ardasire, et il me semblait que je ne pouvais plus la perdre. Étrange effet de l’amour ! mon cœur s’échauffait, et mon âme devenait tranquille.
Les paroles d’Ardasire me rappelèrent à moi-même. Arsace, me dit-elle, quittons ces lieux infortunés ; fuyons. Que craignons-nous ? nous savons aimer et mourir… Ardasire, lui dis-je, je jure que vous serez toujours à moi ; vous y serez comme si vous ne sortiez jamais de ces bras : je ne me séparerai jamais de vous. J’atteste les dieux que vous seule ferez le bonheur de ma vie… Vous me proposez un généreux dessein : l’amour me l’avait inspiré : il me l’inspire encore par vous ; vous allez voir si je vous aime.
Je la quittai, et, plein d’impatience et d’amour, j’allai partout donner mes ordres. La porte de l’appartement de la princesse fut fermée. Je pris tout ce que je pus emporter d’or et de pierreries. Je fis prendre à mes esclaves divers chemins, et partis seul avec Ardasire dans l’horreur de la nuit ; espérant tout, craignant tout, perdant quelquefois mon audace naturelle, saisi par toutes les passions, quelquefois par les remords mêmes, ne sachant si je suivais mon devoir, ou l’amour, qui le fait oublier.
Je ne vous dirai point les périls infinis que nous courûmes. Ardasire, malgré la faiblesse de son sexe, m’encourageait ; elle était mourante, et elle me suivait toujours. Je fuyais la présence des hommes ; car tous les hommes étaient devenus mes ennemis : je ne cherchais que les déserts. J’arrivai dans ces montagnes qui sont remplies de tigres et de lions. La présence de ces animaux